Storytelling pixar Règles 14 et 15
Encore une fois je vous livre cette semaine deux nouvelles règles pour vous aider à écrire votre histoire, vous sortir d’une impasse ou mettre un point final à son scénario qui traînait depuis des mois…
Encore une fois ces articles sont l’oeuvre de Stephan Vladimir Budaj, je n’en fait quel traduction en ajoutant quelques précisions pour que le texte soit plus clair ;o)Le je qui est parfois dans le texte symbolise Stephan Budaj
Structure scénario pixar suite :
14) Pourquoi écrire cette histoire et pas une autre ? quelle est votre motivation ? votre intention ?!
Ce que cette question veut dire c’est : Quel est votre thème ? Sam Goldwyn pensait (enfin si c’est vrai 🙂 » Si vous avez un message à passer, allez voir Western Union (la poste) ». C’est le thème ou le message, si vous préférez, qui donne à votre histoire un sens et une unification au tout et qui la sous entend.
Ce que Sam Goldwyn tentait peut être de nous dire, c’est qu’à force de vouloir mettre un message, celui-ci ressemblait, à la fin, plus à un sermon, une morale, qu’à autre chose. En fait, la tache du scénariste c’est de réussir à garder le sous-texte hors du texte. Mais c’est aussi de laisser le personnage passer le message d’une façon naturelle, d’une façon qui lui est propre.
La raison pour laquelle vous voulez raconter l’histoire que vous êtes en train d’écrire, c’est à dire : son thème, son message, son cœur. Elle rassemble tous les autres éléments autour d’une seule et même question : « Les convictions du héros sont-elles vraies ou fausses ? ». Puis lorsque vous inventez les autres personnages de l’histoire qui vont interagir avec votre héros, ils doivent avoir des opinions différentes sur cette question, que ces personnages soient : rêveurs, cyniques, réalistes et toutes les caractérisations possibles.
La dramaturgie de votre histoire se construit, se base sur cette remise en question en laissant le spectateur se faire sa propre opinion sur le sujet durant le film, puis vous apportez la réponse à cette question, à la fin.
La motivation des personnages est importante
Tous vos choix : Personnages, leurs motivations, leur arc transformationnel, leurs relations sont liés à cette question. Question qui se trouve être au centre de tout. Voilà pourquoi la motivation des personnages est importante. C’est grâce à elle qu’ils vont pouvoir régler les problèmes posés dans l’histoire. Cette résolution paraîtra naturelle pour le spectateur.
Donc, si vous avez fait correctement votre boulot de scénariste et que vous avez créé des personnages et des situations qui sont en relation directe avec la question centrale, alors les solutions que vos personnages trouveront seront forcément en relation avec votre thématique (message).
Prenons un exemple. Si votre message est : « L’amour conquiert tout », la question centrale peut être : « L’amour surmontera t-il tous les obstacles ? » Et la réponse à la fin de votre film sera : oui. Votre héros pourra chercher le mauvais « amour » ou la mauvaise façon d’aimer. Il aura besoin de trouver la bonne façon ! Votre héros peut aussi penser que l’amour n’existe pas ou ne veut rien dire. Dans ce cas, son parcours l’amènera sur les chemins qui le convaincront qu’il existe bel et bien. C’est basique mais c’est un exemple ;o)
Deux personnages s’opposent dans les romances
Dans les histoires d’amour, il y a toujours deux personnages qui s’opposent : celui qui croit en l’amour et le réaliste délaissé. Ce dernier a souffert à cause de l’amour (même si ces deux personnages peuvent avoir des sentiments opposés parfois au cours de l’histoire). Ces deux personnages peuvent jouer le rôle de l’ange et du démon assis sur les épaules du héros. A la fin de l’histoire, le héros choisira le camp de l’un ou de l’autre. Forcément cette situation et cet exemple vous semblent simplistes, et vous avez raison, mais il fallait bien que je vous donne un exemple ;o)
Il faut, au début, aller au plus simple avec votre histoire car il est toujours difficile de réussir à mettre une structure compliquée en place, dès le début. Simplement parce qu’on se rend vite compte que rien ne tient ou que vous vous êtes perdu ou que vous avez perdu le fil. Il est préférable de commencer sur une base simple et solide, puis au fur et à mesure que vous maîtrisez de mieux en mieux votre histoire, y ajouter des éléments nouveaux qui complexifient l’histoire.
Vouloir complexifier à tout prix n’est pas non plus une bonne chose, ça ne vous rendra pas plus malin, meilleur scénariste ou unique. Commencez doucement, humblement. Vous verrez que vos personnages s’épaissiront et enrichiront d’eux mêmes ce que vous voulez dire grâce à leur caractérisation et leur motivation.
A l’université de Los-Angeles (UCLA), on nous disait : »une histoire simple et des personnages complexes ». Si votre scénario est complexe et que l’intrigue l’est tout autant, que tout s’enchaîne à la perfection, il vous faut un thème qui va unifier vos personnages et les éléments de votre histoire pour qu’ils soient tous tournés vers le « pourquoi » de l’histoire, c’est à dire le sens profond de votre histoire et non pas tournés vers le « comment » qui n’est que de la poudre aux yeux et n’apporte rien (même si cette poudre aux yeux est intelligemment créée et apporte beaucoup de fun).
« Il y a toujours un thème qui s’écoule au fil des événements »
Même dans des travaux aussi longs qu’ »Ulysse » de James Joyce, il y a toujours une question, un thème qui s’écoule au fil des événements, des sujets abordés. Souvent, le thème traité sous différentes formes est : « Quel est le sens de la vie ? » Pour souvent arriver à la fin de l’histoire et découvrir que la réponse (banale) c’est « il faut vivre le moment présent du mieux que l’on peut »
Dites-vous que toutes les questions, même les plus simples, peuvent être traitées d’une multitude de manières grâce aux personnages, car ce sont eux, dans leurs différences, dans la manières dont ils abordent le problème, qui apportent l’infinité de nuances que l’on peut trouver dans les histoires. C’est de là que vient la profondeur d’une histoire.
Il faut que vous ayez une réponse très claire à la question : « Pourquoi je veux raconter cette histoire ? ».
Une fois cela fait, vous serez capable de la transformer sous la forme d’un thème. De cette manière vous pourrez toujours chercher des solutions à vos histoires tout en restant sur la bonne voie. Vous pourrez garder le cap en étant capable de faire la distinction entre les choses qui sont intéressantes pour votre histoire et vos spectateurs, et ce qui ne l’est pas.
15) Les réactions de vos personnages doivent être crédibles même si la situation est incroyable. Mettez-vous à leur place.
Si vous étiez votre personnage, dans cette situation précise, que ressentiriez-vous ? L’honnêteté donne de la crédibilité aux situations incroyables.
C’est une règle qui semble couler de source, mais comme tout le monde, certains scénaristes pros l’oublient et font vivre à leur personnage des moments ou des situations qui sont en contradiction avec leur caractérisation ou la vraisemblance de l’histoire, que cela soit dans les dialogues ou leurs actions. Ces écarts ne sont pas là pour le bien du spectateur et de l’histoire. Pourquoi cela arrive-il ? Simplement parce que les scénaristes, à un moment, oublient de garder le cap de la personnalité du personnage qu’ils ont créé.
L’autre chose importante dans cette règle c’est « l’honnêteté donne de la crédibilité aux situations incroyables ».
Car elle exprime l’idée que l’on peut se faire pardonner quelques écarts de logique interne par le public si les émotions du personnage restent honnêtes.
Il faut absolument respecter cela car trop d’incohérences dans les actions, le récit etc…c’est très risqué. Le public ne vous suivra plus si les situations ou les non-sens s’enchaînent et ce malgré l’honnêteté du personnage et l’attachement que le spectateur a pour lui. Je fais référence ici à ce qui est impossible de se passer dans le monde que vous avez construit.
Je parle de violation des règles que vous avez mises en place depuis le début. Forcément vous pouvez vous permettre des choses qui ne pourraient pas exister dans la vie réelle à condition que cela reste émotionnellement attrayant. C’est l’émotion que procure le personnage qui va permettre au spectateur de croire à l’incroyable. C’est d’ailleurs grâce à cela que beaucoup d’histoires qui sortent du réalisme (science fiction, fantastique etc..) fonctionnent et permettent, à leur tour, au spectateur d’adhérer à l’histoire et à un univers impossible.
Des constructions artificielles
Ressentir les émotions des personnages et se reconnaître en elles nous permet de croire cette possibilité que ce monde existe et de fait que toutes les actions et situations qui en découlent le sont aussi. Si on y réfléchit, les histoires que les scénaristes nous proposent ne sont que des constructions artificielles. En tant que scénariste c’est vous qui menez le jeu et inventez le contexte, le monde qui entoure votre histoire, mais au fond, ce contexte ne suffit pas à être crédible au delà de ce que nous connaissons et acceptons comme situation crédible.
Ce n’est qu’au travers des actions et des réactions de vos personnages que vous le rendrez crédible.
Idem, si le spectateur connaît le monde dans lequel se passe votre histoire. Il faut que ce monde soit rattaché au contexte (l’intrigue) et que cette intrigue se rattache aux personnages pour que le spectateur soit emmené. Il ne pourra pas juste l’être qu’avec l’univers que vous mettez autour. Si vous écrivez/ racontez une histoire vraie, les spectateurs s’attendent à des erreurs ou que vous embellissiez celle-ci.
Votre boulot de scénariste sera de convaincre les spectateurs par les émotions et actions de vos personnages, que ce que vous avancez est vrai.
Et c’est là que c’est fort ! Car en réussissant ce tour de force vous pouvez très facilement transformer/ mentir sur des faits historiques ou ayant existés. Ce que vous ressentez comme vrai le devient ;o)
En général, le contexte se transmet culturellement. Mais au fond, il n’y a rien d’impossible, vous pouvez donc tout faire croire. Vous n’avez juste qu’à faire en sorte que les détails que vous ajoutez au contexte sonnent juste, et pour cela vous devez vous servir des émotions que vos personnages transmettent pour y arriver. A partir du moment où les spectateurs conçoivent que les personnages de l’histoire font vraiment partie de leur monde, ils commenceront à croire ce qui est impossible.
Mais attention, cela veut dire que les situations dans lesquelles vous mettez vos personnages doivent aussi être honnêtes, c’est à dire honnêtes du point de vue de la thématique développée dans l’histoire. Non pas de ce que nous connaissons mais de ce que le scénariste nous a dépeint du monde qu’il a construit.). Si tout cela est naturel, ce que les personnages ressentiront comme émotions auront un sens.
Il faut aussi que vous vous mettiez à la place de vos personnages.
C’est ce que cette règle semble nous dire en premier lieu. Cela semble être le conseil parfait. On nous répète souvent que pour mieux comprendre une situation ou voir les possibilités, il suffit de se mettre à sa place. Sauf que créer un personnage, ce n’est pas tout à fait la même chose car en créant ce personnage qui n’existe pas, on tente de se représenter la manière dont il réagirait en se mettant à sa place. En faisant cela, c’est un effet miroir qui se met en place, basé sur l’empathie, en essayant d’imaginer comment un autre pourrait réagir alors que c’est nous-mêmes qui le construisons…
Si vous voulez de la diversité dans vos personnages, il ne faut pas qu’ils se ressemblent tous et donc qu’ils réagissent comme vous le feriez.
Bien sûr, vos personnages auront, au fond d’eux, des traits qui vous ressemblent, des valeurs, mais vos personnages ne doivent pas représenter une partie de votre personnalité. Comme je le disais plus haut, créer un personnage c’est créer une personnalité, une personne qui n’existe pas. Il vaut mieux, dans ce contexte, que vous fassiez réagir votre personnage d’une manière qui lui est propre, même si elle doit être à l’opposé de ce que vous auriez fait et même si ses réactions vont à l’encontre de l’empathie.
Comme un exemple vaut toujours mieux que mille discours, en voilà un : Si votre héros est un soldat en territoire ennemi, que vous, le scénariste, aimiez beaucoup les animaux. Ça n’empêchera pas votre héros de briser la nuque d’un chien de garde qui a reniflé sa piste. Si vous vous mettiez à la place de votre héros, vous chercheriez sûrement un moyen de ne pas tuer le chien, de l’éviter ou de simplement l’assommer. Mais ce n’est pas ce que ferait un soldat professionnel ! C’est là toute la différence.
Vous devez imaginer ce que ressent votre personnage en vous basant uniquement sur le cœur de ses traits de personnalité et des objectifs que vous lui avez donnés et non pas de trouver des actions ou des réactions pour créer ou ressentir de l’empathie avec lui.
Sauf si vous souhaitez avoir une relation empathique avec ce personnage en particulier.
Ce qu’il faut retenir de cette règle c’est qu’elle est là pour que vous fassiez en sorte que l’histoire avance grâce aux réactions des personnages par rapport aux situations. Ces réactions en font, de ce fait, des héros, protagonistes, personnages aux émotions cohérentes. C’est à dire qu’il ne faut pas se mettre à leur place et leur retirer toute spontanéité quant aux réactions qu’ils pourraient avoir face aux situations dans lesquelles vous les mettez, sinon vous ne faites qu’écrire des scènes qui fonctionnent « mécaniquement ». Des personnages sans émotions honnêtes n’intéresseront pas les spectateurs et ils se détourneront de l’intrigue, aussi intelligente ou prenante soit-elle.
Voilà pour cet article sur “Les règles d’écriture chez pixar 14 à 15”.
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Tom Weil
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