Luc Besson…6 degrés et moi

C’est un article un peu particulier que je vous propose aujourd’hui. Je pense même que c’est l’un des plus intimes que je partage avec vous. Je m’apprête à partager avec vous certaines choses que je n’ai jamais dites à personne. La fois dernière, je vous parlais des 6 degrés de séparation qui existent entre vous et n’importe qui dans le monde…et de ce fait, dans le monde du cinéma.

L’article qui vous a beaucoup plu, vous expliquait comment envisager votre réseau professionnel autrement et comment réussir à atteindre le réalisateur ou le comédien pour vos projets. En y réfléchissant, il manquait une donnée essentielle dans cet article : Avoir quelque chose à dire ou à défendre…

Il faut aussi que la qualité des poignées de main soit bonne sinon vous risquez de vous griller plus qu’autre chose ou de dépenser beaucoup d’énergie pour rien. Mais même si la qualité de vos poignées de main est très bonne il ne faut pas faire n’importe quoi…attention…séquence émotion :o)

Il était une fois…

Si je vous parle de tout ça c’est que, sans même connaître la règle des 6 degrés de séparation, je l’ai appliquée assez vite, enfin, après une période d’adaptation. Pour que vous compreniez comment j’en suis arrivé là, il faut que je vous explique une chose. Il y a 18/19 ans j’ai voulu me lancer dans le cinéma. Mon rêve, depuis toujours, était de réaliser des films. Le problème, c’est que je n’ai pas fait d’études.

J’ai arrêté après le bac puis je suis parti bosser. Pour mes parents, il était hors de question de rester à la maison, sans rien faire ! Et je les en remercie aujourd’hui. J’ai pratiqué des boulots qui ne m’ont pas vraiment fait rêver. Sachant maintenant ce que je ne voulais pas faire dans la vie, j’ai décidé d’entreprendre mon rêve : Faire du cinéma.

luc besson

Première étape : écrire…ou apprendre à écrire.

A l’époque j’étais fan de Luc Besson, de ses univers, mais aussi de l’homme : Il s’est fait tout seul, n’a pas fait d’études etc…Alors que j’écris et que je tente de monter mon premier court métrage, je décide de commencer une correspondance avec mon « idole »…Durant le parcours de l’écriture et les recherches de financements de mon premier court il se passe 11 mois. 11 mois durant lesquels j’écris et je poste 11 lettres à Luc Besson, racontant mon parcours, mes avancées, mes doutes…bref, je prends Besson pour un psy…un camarade de route etc…

Je fais cela car je suis seul. Mes parents se demandent ce que je vais faire dans la vie…ne comprennent pas vraiment ma démarche. Je ne les blâme pas. Aujourd’hui je suis parent et je comprends tout à fait leur inquiétude, surtout que leur fils veut embrasser un métier et évoluer dans un milieu qu’ils ne comprennent pas ou ne connaissent pas. J’ai donc besoin de parler à quelqu’un, de partager mes découvertes…mon aventure.

« J’arrive à écrire mon film, à rencontrer pas mal de gens »

Sur les 11 mois de correspondance j’ai reçu 0 (zéro) réponse…11 courriers partis dans les méandres des tonnes de courrier que les productions de Luc Besson doivent recevoir…et qui doivent, pour la plupart, atterrir à la poubelle. Mais les résultats sont, au bout de tout ce temps, payants car j’arrive à écrire mon film, à rencontrer pas mal de gens et je m’apprête, d’ailleurs, à monter mon équipe technique et devinez quoi ? Je ne veux pas n’importe qui…

Tout ça pour dire quoi ? Pour dire qu’être tout seul, je sais ce que c’est. Que de vouloir absolument être lu, écouté, aidé, épaulé par des pros, voire par des gens qu’on admire, Je sais ce que c’est. D’ailleurs, on pense à tort que les gens qu’on admire vont pouvoir nous aider, comme ça, parce qu’on est génial, ce qui est souvent faux…mais il y a de l’espoir, il suffit de penser que l’on n’est pas si génial que ça, lol :o)

Un jour, un château…

Comme je suis quelqu’un qui me bouge pour réussir à me faire un réseau, je rencontre, au fil des semaines et des mois, des réalisateurs, réalisatrices, des techniciens etc…tous ces gens voient que j’en veux et que je ne m’arrêterai pas…je ne leur cache pas que je suis fan inconditionnel de Luc Besson et de ses films…

Un jour, une copine (amie, aujourd’hui), que je nommerai « Louison », me dit qu’une de ses meilleures amies connaît Thierry Arbogast qui à l’époque était le chef opérateur attitré de Luc Besson (encore aujourd’hui car c’est lui qui signe la lumière de : Lucy)…et vous savez quoi ? Pour mon court-métrage je recherche, à ce moment précis, un chef opérateur. C’est un signe du ciel !!! Mes rêves les plus fous vont enfin se réaliser. Je décide, à ce moment, que Thierry Arbogast sera le chef opérateur de mon premier court. Louison sait à quel point j’aime son travail et le travail de son réal. Il ne m’a pas fallu longtemps pour qu’elle accepte de demander à son ami le numéro d’Arbogast.

« Je suis à une poignée de main du mec que j’admire le plus à l’époque : Luc Besson »

Quelques semaines plus tard me voilà en possession du numéro du chef opérateur !…que faire ? Je peux à n’importe quel moment faire basculer ma vie et la vie de mon film. Si Thierry Arbogast accepte de bosser avec moi, je ne vais plus toucher la terre pendant un moment. De plus, je suis à une poignée de main du mec que j’admire le plus à l’époque : Luc Besson. Pour l’anecdote, je l’admire tellement que je me suis même teint des mèches de cheveux en blond (si si j’vous jure…j’étais jeune…). Je vous rassure cher lecteur, je me suis pas mal calmé depuis, finies les mèches lol

Bref, je prends mon courage à deux mains et je me décide à appeler le numéro, que je considérais, à l’époque, comme le saint graal.

Quelques sonneries et Thierry Arbogast décroche, je me présente, je lui dis que j’ai eu son numéro par Machine (amie de Louison), que je suis un jeune réalisateur etc…Ayant Machine comme référence, Thierry Arbogast m’écoute très gentiment. Je lui présente mon projet rapidement au téléphone. Je lui parle de moi, bref, je tente de me vendre au mieux. Après les quelques minutes où je ne lui ai pas donné la possibilité d’en placer une, trop anxieux, trop peur qu’il dise non, trop jeune, trop stressé, il me dit très gentiment qu’il ne pourra pas m’aider car les prochains mois il sera sur le prochain film de Besson…Mais comme je viens de la part de…il me donne deux noms d’assistants avec qui il bosse et me propose de les appeler de sa part.

Les erreurs à ne pas faire

A ce moment, malgré les deux noms qu’il vient de me donner, c’est la douche froide ! Mon projet n’aura pas Thierry Arbogast…qu’à cela ne tienne, je tiens la personne qui sera la plus proche de Luc Besson les prochains mois, je ne vais pas la laisser filer comme ça ! Je décide de passer à la phase 2, supplier le gars pour qu’il me donne le téléphone de Besson…erreur :

  • Ne jamais supplier
  • Être trop insistant
  • Ne pas tout mélanger (Il faut demander une chose à la fois)

Il refuse. Ce qui est normal. Je décide donc d’avoir des infos sur le film, comme l’endroit où il se tourne etc…

Thierry Arbogast me répond qu’il ne peut rien me dire, qu’il a signé, avec son contrat, une clause de confidentialité…sauf que dans la conversation, sans le faire exprès, il me dit qu’il va tourner dans un château…et plus loin dans la conversation je comprends qu’il sera dans l’Oise…Je raccroche, le remerciant pour le temps et l’aide qu’il m’a accordé et je prends congé.

luc besson comment faire un film

Repérages de châteaux

Internet n’existant pas à l’époque, je fonce à la Fnac bien décidé à découvrir ce maudit château. J’en trouve plus de 50 ! Comme je commence à avoir un peu d’expérience, j’élimine ceux qui ne permettent pas de tourner, qui me semblent difficiles d’accès etc…Je ressors de là avec une liste réduite de châteaux, mais conséquente.

Je rentre chez moi (chez mes parents) et je décide d’appeler les châteaux un par un. Non pas pour savoir si un tournage aura lieu, ce serait une grosse erreur, non, je les appelle pour venir les visiter.

Tous me répondent qu’il n’y a pas de pb…sauf un ! Le château de Pierrefonds. La standardiste me dit que celui-ci est fermé pendant plusieurs jours (semaines, je ne me souviens plus, Bingo ! Je comprends que Luc Besson va tourner là, et en plus j’ai le créneau (sans jeu de mots) de la période de tournage.

Mais comment rentrer dans le château ?

Je vais me confronter à des régisseurs et je ne réussirai pas à rentrer…Peu importe, je vais la jouer à fond. Après avoir pianoté sur le minitel (ouais je suis vieux) pour trouver le numéro des films du dauphin, transformé en Leeloo productions (après le 5ème éléments) et je les appelle.

Là, une gentille jeune femme me répond. Je lui dis que je suis très embêté car je suis censé faire de la figuration à Pierrefonds le XX. On m’a confirmé le jour du casting que c’était bon et qu’on allait me rappeler et je n’ai toujours pas de nouvelle! La jeune femme me dit : « vous avez eu Machin ou Machine, ce sont eux qui s’occupent de la figuration ? Parce que ce n’est pas normal… »…

Me voilà en possession de deux prénoms ! Puis la jeune femme me donne le numéro de téléphone du bureau de prod à Pierrefonds, me disant d’appeler une telle, celle-ci me mettra en relation avec Machin ou Machine qui est sur place. Sans attendre, j’appelle le nouveau numéro, je me présente en disant bien que j’appelle de la part de la jeune femme que je viens d’avoir, que j’ai vu Machin pour la figuration et qu’il ne m’a pas rappelé. J’en rajoute deux couches en disant que j’ai posé un jour de congé pour venir etc…

On me donne le numéro du chef de file (figuration), Machin qui me dit une fois au bout du fil: « je ne vous retrouve pas sur mes listes » (tu m’étonnes !). « C’est bon, c’est pas grave, je vous ajoute, vous êtes bien passé chez le coiffeur ? »

La filature

Là, je vous avoue, cher ami lecteur, que je m’en veux encore un peu de la réponse que j’ai donné…  « Non ». Là, le gars a senti que je le menais en bateau, mais est resté très cool. Il m’a dit que c’était trop tard pour passer chez le coiffeur, que je venais de trop loin….ça s’appelle s’écrouler juste devant la ligne d’arrivée !

Mais j’ai appris pas mal de choses lors des conversations. J’ai su que dès le lendemain ils tournaient et l’heure à laquelle la figuration était convoquée.

Opération commando 

Dans mon souvenir il devait être 19H. Je me souviens que j’ai laissé un mot à ma mère sur la table de la cuisine. J’ai pris un oreiller et ma couette, j’ai tout mis dans ma voiture et je suis parti pour Pierrefonds. Je suis arrivé très tard là-bas…à l’époque pas de GPS. J’ai passé la nuit dans ma voiture et au petit matin j’étais près à m’introduire dans le château. La question que je me pose toujours aujourd’hui c’est : « mais pourquoi je ne suis pas parti très tôt le matin de chez moi plutôt que de passer la nuit dans ma caisse ?? » les mystères du grand n’importe quoi de la jeunesse ;o)

Me voilà face au château. Ma tête bouillonne d’idées pour passer incognito, dont je vous livre ici les passages les plus ridicules : Moi qui me plaque contre les murs pour ne pas me faire voir, saute au dessus des grillages, rampe dans l’herbe pour avancer incognito (vive la rosée)…pour au final me rendre compte qu’il n’y a personne ou presque autour du château…il est tôt…beaucoup trop tôt…

Je passe le pont-levis, je rentre dans la cour et là je suis au moyen- âge. Je vois un décor incroyable, des gens bosser sur des tours, des projos, des figurants et moi qui avance là dedans…il n’était pas si tôt que ça en fait. Il n’y avait pas de service de sécurité ou la régie avait d’autres trucs à faire, bref, je ne fais plus attention aux gens qui sont autour de moi tellement je suis scotché par ce que je vois…et je me fais griller ! Un régisseur vient vers moi, me demande qui je suis…je balbutie…et il me demande de gentiment partir car je n’ai rien à faire là…

Encore une fois je me vautre juste avant la ligne d’arrivée…ça commence à faire beaucoup.

Je traverse le pont-levis dans le sens inverse, dépité, la tête baissée…je me demande comment je vais faire pour entrer… Lorsque je relève les yeux je vois Luc Besson et Thierry Arbogast, à l’autre bout du pont-levis, qui se dirigent vers le plateau. Je n’en crois pas mes yeux, je me dirige vers eux, je leur sers la main, J’échange deux mots avec Besson mais prends congé rapidement car il tourne son film, on l’attend sur le plateau…tout ce que j’aurais voulu lui dire, tout le parcours que j’ai fait, les 11 lettres, l’amour que j’ai pour le cinéma, l’envie de raconter des histoires, tout cela je n’ai pas pu lui dire.

J’aurais voulu lui parler de mes projets, des siens…tout cela s’est embrouillé dans ma tête et quand bien même ma pensée aurait été structurée, je n’aurais pas eu le temps car ce n’était pas le moment ! Et puis il s’en bat sûrement les noix ! …Je sais aujourd’hui que je n’aurais rien pu obtenir ou faire de plus…peut-être avoir l’air moins bête ;o)

J’ai continué à errer autour du château, essayant de capter le maximum d’infos, de regarder les personnes aller et venir. Me rendre dans les loges, car c’étaient des cars-loges, parler avec les gens de l’équipe et rencontrer Faye Dunaway à la sortie de sa loge, souriante et disponible. Je suis reparti de là avec des souvenirs, j’ai rencontré Luc Besson et Thierry Arbogast, une photo dédicacée de Faye Duneway en prime (que j’ai jetée quelques années plus tard)…et tout de même l’impression d’avoir loupé quelque chose et dépensé beaucoup d’énergie.

J’ai voulu vous raconter cette histoire aujourd’hui afin de vous prouver que les 6 degrés de séparation fonctionnent, mais j’ai aussi voulu partager avec vous ce qu’il ne faut pas faire !

luc besson tom weil comment faire un film

Rencontrer quelqu’un pour juste le voir et lui serrer la main ça ne sert à rien, à part si vous êtes un ou une fan. Mais si vous voulez faire carrière, faire un film, ou si vous avez un but professionnel, la démarche que je viens de vous décrire ne sert à rien. Même si j’avais eu un scénario sous le bras, ce n’était pas la bonne démarche.

Les points à retenir sont :

  • avoir un but
  • se préparer à la rencontre (connaître son sujet, sa demande, être concis)
  • choisir le bon moment pour que « la cible » soit disponible
  • avoir un allié ou quelqu’un qui peut appuyer votre demande (une recommandation, en général la personne qui vous a donné le contact)
  • Ne pas douter de votre démarche mais être ouvert

L’énergie de la passion

La seule chose positive et qui ma poussé jusqu’à aujourd’hui c’est l’énergie de la passion. Ce côté « j’lâche rien, j’vais au bout » est super important. Pour le peu qu’on ait un minimum de recul sur soi et que l’on puisse apprendre de ses erreurs.

Je n’ai jamais raconté cette histoire, à part à mon entourage très proche. Aujourd’hui je vous en parle car j’ai le recul nécessaire. Ce qui m’apparaissait comme un échec s’est transformé en un beau souvenir, à la fois drôle, (j’ai vraiment rampé façon commando lol), grisant, et naïvement ridicule ;o)

Pour terminer, je tiens aussi à répondre à tous ceux qui m’envoient des messages pour me dire : « J’ai beau chercher dans mes connaissances ou ma famille, je vais au delà des 6 poignées de main et je n’ai personne qui peut faire le lien avec le milieu du cinéma ».

Ne lâchez rien !

À ceux là, je leur réponds : « Les 6 degrés de séparation symbolisent un réseau. Vous me lisez, vous m’envoyez des mails, des posts, nous communiquons ensemble. De ce fait, je fais partie de vos connaissances…et peut-être à terme, de votre réseau. »

Vous connaissez donc quelqu’un qui peut sûrement faire le lien avec « votre cible ». Il ne reste plus qu’à me convaincre de vous aider…là est la vraie difficulté des 6 degrés de séparation : rentrer dans le cercle de chaque palier qui mène à votre cible !

Voilà pour cet article sur Luc Besson…les 6 degrés et moi

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Tom Weil

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À PROPOS DE TOM WEIL

Tom Weil

Je m’appelle Tom Weil, je suis assistant réalisateur pour le cinéma et la télévision et comme vous pouvez vous en douter je suis passionné de cinéma depuis tout jeune. J’ai crée ce site il y a presque 3 ans maintenant pour vous apporter mon aide…

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