Devenir directeur de production

Dans le dernier article, tu as pu découvrir le parcours de Laurent Chiomento, directeur de production. Aujourd’hui, tu pourras en apprendre davantage sur ce métier et voir si des stages sont possibles dans le cinéma, et comment.

 

T : Il y a plusieurs phases dans ton métier de directeur de production : avant, pendant, et après tournage ?

 

L : Le plus gros du métier de directeur de production, c’est l’avant tournage parce que c’est là où tout se dessine. Quand le tournage est lancé, après on suit la machine. Ma 1ère mission c’est d’élaborer un devis à partir du scénario pour voir où on en est et s’il y a des modifs à faire.

T : Comment tu fais pour établir ton devis ?

 

L : Je lis le scénar, je regarde le nombre de personnages, le nombre de décors, le nombre de figurants, les cascades, s’il y a des choses compliquées à faire : tourner dans un salon de coiffure est moins compliqué que si on a un studio de télé à faire, c’est pas le même décor et pas le même budget.

T : Tu fais un dépouillement ?

 

L : Oui, je prends le surligneur et j’attribue une couleur à chaque cas particulier. Ex : les cascades en bleu, les SFX en jaune, les comédiens d’une autre couleur etc.

T : En face de chaque couleur tu mets un tarif ?

 

L : Non je ne commence pas à mettre un tarif je regarde la globalité. Autre truc important que je regarde tout de suite : le scénar ! Il est souvent bien trop long. Parce qu’encore une fois quand on a un produit à rendre d’1h30, le but n’est pas de tourner 2h. A 4 min de tournage par jour, on peut perdre parfois 5/6 jours qui partent à la poubelle sinon.

Après quand je rentre dans le détail je mets des prix. Je rentre ensuite les tarifs dans un devis.

T : Un épisode d’une série, ça a un prix particulier ? Et c’est ça qui te permet de savoir si ton budget est cohérent ?

 

L : Ça dépend des prod, je sais combien coûte un épisode mais il y a 2 manières de travailler avec les prod . Soit ils arrivent avec un budget déjà défini, soit ils attendent que tu fasses ton devis pour savoir combien ils doivent mettre. C’est une question de négociation en lien avec le casting voulu. Puis la qualité artistique souhaitée. On n’aura pas le même résultat d’un prod à l’autre. Mais ça, ça rentre dans la discussion.

Beaucoup de fois j’ai pensé que c’était plus cher en faisant de telle ou telle façon, alors qu’en fait je me trompais. C’est pas parce qu’on prend une personne de plus sur le casting qu’on va forcément perdre de l’argent, on peut gagner sur d’autres choses.

T : Quels sont les leviers quand ça rentre pas dans ton budget ?

 

L : Le 1er : les comédiens. Si on demande de faire un épisode avec Depardieu je sais que ça va me coûter plus cher que quelqu’un de moins connu. Je fais un devis et je dis « ça rentre si le 1er rôle on met telle personne », et je propose une enveloppe.

T : Je pensais qu’on pouvait réduire le scénario.

 

L : Non je pense d’abord au cast. C’est la priorité. Le scénar c’est le deuxième levier. Je vois s’il passe bien dans le temps imparti. Je ne suis pas script, il y a des règles de calculs (une page fait autant de min etc.), donc souvent j’appelle un script.

T : Tu as un rôle sur le tournage ?

 

tourner un film

L : La machine est plus facile à arrêter avant le tournage que pendant, pour éviter les problèmes.

T : Le choix du réalisateur peut avoir une incidence sur le budget ?

 

L : Certains réalisateurs ont la réputation de dépasser le temps, je choisis les bons réalisateurs, c’est tout.

T : Pendant le tournage, ça se passe comment ?

 

L : C’est un suivi surtout, je suis le garant de la prod sur le terrain car le producteur n’est pas là. Il faut vérifier que tout se passe bien. Je gère les éventuels problèmes comme un comédien malade, la perte d’un décor… Et dès que le tournage se termine, je m’occupe de payer les notes de frais, salaires etc. Je signe tout ce qui arrive et j’établis une situation de fin de film, sachant qu’il y en a une de faite au bout de dix jours de tournage.

T : Tu peux me donner le tarif pour un épisode des petits meurtres d’Agatha Christie par exemple ?

 

L : En général, pour une série contemporaine, on part sur 1,5 million par épisode. Alors que nous on est à plus de 2,1 millions. La différence est liée au poste de décoration.

T : A partir de quand, on te dit que tu as bien fait ton taf en tant que directeur de production ? c’est juste une question de budget que tu as respecté ?

 

L : Non, parce que parfois on peut rendre de l’argent parce qu’on a fait des économies, parfois on peut dépasser, mais c’est pas parce qu’on dépasse qu’on n’a pas bien fait son travail. Les producteurs sont conscients qu’on peut ramener plus ou moins d’argent.

T : Il y a d’autres raisons pour qu’un prod te rappelle pour un autre film ?

L : C’est 60% de relationnel et 40% de travail. Oui je pense qu’il me rappelle parce que je m’entends bien avec lui et on a une relation de confiance. J’ai jamais fait attention aux chiffres parce que ça me fait peur. Je dépense à peu près 9 millions par an, c’est quand même pas rien.

T : En plus de gérer de l’argent tu gères de l’humain, au-delà de la relation que tu as avec le producteur. Un bon directeur de prod c’est celui qui arrive à faire la balance avec « donner à l’équipe » et faire son travail.

 

L : Oui c’est important et encore plus dans une série parce que les échanges vont dans les deux sens. Tu peux pas demander quelque chose à un technicien si en échange tu ne lui donnes rien, et inversement. C’est un équilibre à avoir parce que chacun voit midi à sa porte. Sur une série tu sais que ces gens-là tu vas les retrouver après sur un autre épisode. Si ça ne se passe pas bien c’est compliqué pour faire 30 épisodes.

tournage de film

T : Je reçois des tonnes de mails, de personnes déjà en école ou autodidactes, qui me disent souvent vouloir changer de carrière. Si tu avais deux trois conseils à leur donner ? La meilleure marche à suivre ?

 

L : On fait un métier relationnel, il faut rencontrer les gens. Quand tu reçois 10 CV par semaine, qu’est ce qui fait la différence ? C’est compliqué ! Tu te rends vraiment compte de la personne quand tu la rencontres ; tu sens d’autres choses.

T : Vous prenez des stagiaires ?

 

L : Oui régulièrement, moi souvent. Ça me tient à cœur ! Je trouve aussi que les écoles de cinéma sont trop généralistes et les gens, quand ils arrivent, ne savent pas trop ce qu’ils veulent faire vraiment.

T : Tu reçois très peu ou pas du tout de CV de personnes extérieures aux écoles ?

 

L : On reçoit souvent des candidatures de gens qui n’ont pas du tout fait ce métier, ce sont des postes quand même assez précis, c’est difficile de les prendre quand ils n’ont aucune expérience.

T : Ce sont des stages conventionnés ?

 

L : Oui. Le problème avec c’est qu’il faut les payer quand il n’y a pas de convention et c’est difficile d’employer quelqu’un qui n’a pas d’expérience du tout.

T : Pour terminer, pour devenir directeur de prod, quelles sont les qualités ? Et le parcours classique ? en sachant que toi tu n’as pas un parcours classique !

 

L : Il y a le fait d’avoir un peu de terrain. C’est le serpent qui se mord la queue. Directeur de prod c’est quand même le responsable de tout le monde. Il doit connaitre les postes de chacun. Par ex : la coiffure quand il faut poser une perruque il faut savoir combien de temps ça prend. Si tu découvres tout, tout le temps, ça ne marche pas, moi je sais que mon métier d’avant m’a permis de voir tous ces problèmes et d’être conscient de tout ça. Il faut avoir ces notions. Par contre il y a tout un truc administratif qu’il faut apprendre, et ça, ça s’apprend.

T : Donc quand tu parles des écoles, tu dis que les personnes n’ont pas la connaissance du terrain et que toi quand tu passes régisseur tu as le terrain mais il te faut les bases administratives pour occuper le poste de directeur de prod ?

 

L : Oui, mais ces bases sont compliquées à trouver parce qu’elles n’existent pas sauf si tu l’apprends par un autre gars, ce qui a été mon cas mais ce n’est pas facile à trouver, ce genre de personnes.

 

C’est tout pour cette deuxième et dernière partie de l’interview de Laurent Chiomento. Si tu n’as pas lu le dernier article sur son parcours professionnel, tu peux toujours le lire en cliquant ici

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À PROPOS DE TOM WEIL

Tom Weil

Je m’appelle Tom Weil, je suis assistant réalisateur pour le cinéma et la télévision et comme vous pouvez vous en douter je suis passionné de cinéma depuis tout jeune. J’ai crée ce site il y a presque 3 ans maintenant pour vous apporter mon aide…

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